Jean est assis droit dans son fauteuil, la main reposant sur sa canne puis, tout à coup, il s’agite, tourne la tête comme s’il cherchait quelque chose, pousse sa chaise, la fait tourner sur elle-même. L’animateur, David, vient de lui mettre un casque de réalité virtuelle sur la tête et des écouteurs aux oreilles. Aussitôt, le nonagénaire se téléporte à la Seine musicale de Boulogne-Billancourt, au beau milieu d’une représentation d’Insula Orchestra jouant du Beethoven.
Physiquement, Jean est bien resté dans la salle à manger de l’Ehpad Lasserre, à Issy-les-Moulineaux, mais son esprit est parti sur l’île Seguin. Pendant trente minutes, le pensionnaire assiste en boucle au spectacle, complètement coupé des autres.
À côté de lui, Françoise et Yvette sont affublées du même casque, assises à bonne distance l’une de l’autre. L’une tente, en vain, de se plonger dans le tableau du Douanier Rousseau, quand l’autre file à bord du train volant d’Orléans. « C’est formidable, je voyais les essais de ce train toutes les semaines, à l’époque », s’exclame-t-elle, des souvenirs de jeunesse plein la tête.
Un divertissement en plein confinement
Depuis juillet 2020, la maison de retraite propose ces petits temps d’évasion à ses résidents, parfois cognitivement très atteints, grâce à des casques de réalité virtuelle mis à disposition par le conseil départemental des Hauts-de-Seine. Les 27 films et documentaires de cinq à dix minutes chacun ont été produits par Arte, RFI Labo ou encore Wild Immersion. Ils conduisent les utilisateurs dans des environnements variés, tels que le patrimoine, la musique, la nature ou l’histoire.
À la sortie du premier confinement, trois Ehpad s’étaient portés volontaires pour tenter cette expérimentation technologique auprès des plus âgés, dont la Fondation Aulagnier, à Asnières-sur-Seine, et Les Marronniers, à Levallois-Perret. En janvier, la résidence Les Pins, à Boulogne-Billancourt, s’est manifestée et le département souhaiterait désormais généraliser ce projet baptisé Horizon, dont le coût s’élève pour l’instant à 50 000 euros.
« Nous l’avons lancé au printemps dernier, en pleine crise sanitaire. Nous travaillions à déployer la réalité virtuelle dans le domaine éducatif, quand le laboratoire France Immersive Learning [NDLR : association de promotion des technologies immersives] nous a proposé de tester la technologie dans les Ehpad puisque c’était un moment où les résidents ne pouvaient plus trop se divertir, ni voir leur famille », rappelle Florence Sylvestre, responsable de l’environnement numérique des collèges au conseil départemental.
Le passé musical d’une résidente ressurgit
« Nos résidents ont pu voir des choses qu’ils n’avaient plus l’habitude de voir et s’extraire du quotidien quelques minutes », explique Chloé Leblond. Près d’un an après, la directrice de l’Ehpad Lasserre se montre convaincue du dispositif qu’elle voyait pourtant, au départ, comme un « gadget ».
« Si c’est bien fait, cela permet de jouer sur les réminiscences des résidents. Ça leur plaît et ça s’adapte à tous les profils, y compris ceux plus en difficulté cognitivement. Voire même mieux : ils se laissent plus porter par l’expérience car ils ont moins de surmoi que les autres », ajoute-t-elle.
Comme cette résidente généralement apathique et silencieuse, qui s’est mise tout à coup à marquer le rythme et chanter, le temps d’un spectacle virtuel. « On a ainsi pu découvrir une de ses dernières réminiscences car elle avait un gros passé musical que nous ignorions. Quand elle est un peu angoissée, on sait maintenant qu’on peut lui passer de la musique pour la calmer. »
Chloé Leblond envisage donc de donner une tournure thérapeutique à cette expérimentation afin, dit-elle, d’améliorer la prise en charge des personnes âgées.
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