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L'Étau de Munich : critique prise en tenaille sur Netflix - ÉcranLarge.com

MENSONGES D'ÉTAT

Fin septembre 1938. Alors que l'Europe est au bord de la guerre, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain (Jeremy Irons) se rend à Munich afin de rencontrer Adolf Hitler (Ulrich Matthes) lors de ce qui est qualifié de "conférence de la dernière chance".

Deux hommes les accompagnent durant leur voyage : Hugh Legat (George MacKay), un fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères devenu secrétaire privé de Chamberlain, et Paul von Hartmann (Jannis Niewöhner), un diplomate allemand impliqué dans un complot visant à renverser Hitler (historiquement connu comme "la conspiration Oster").

L'Étau de Munich : photo, George MacKay, Jeremy IronsVous avez lu la critique d'Écran Large, mon brave ?

Comme le roman Munich de Robert Harris dont il est tiré, le film réalisé par Christian Schwochow revisite cet épisode historique d'un autre point de vue, à travers deux personnages fictifs créés par l'auteur. Deux anciens amis d'Oxford qui vont oeuvrer ensemble pour empêcher Chamberlain de signer les fameux accords en révélant les plans de conquête d'Hitler concernant son "espace vital". Malheureusement, L'Étau de Munich ne parvient jamais à concilier l'Histoire à celle de ses deux héros, tiraillé entre deux ambitions.

Même s'il passe un long moment à introduire ses personnages, son contexte historique et qu'il profite d'une durée de plus de deux heures, le scénario écrit par Ben Powers est trop précipité, trop confus pour être accessible ou poignant. Face à la densité de son sujet, le film emprunte tout un tas de raccourcis simplistes, ce qui empêche de saisir les enjeux géopolitiques complexes qui en découlent ou de seulement croire ce qui est montré à l'écran, comme lorsque Chamberlain se confie à un Legat dont il vient quasiment de découvrir l'existence ou quand Paul discute de coup d'État dans un bar allemand bondé.

L'Étau de Munich : photo, Jeremy Irons

Allez, dans deux heures, c'est plié

 

Paradoxalement, le film est trop long pour le thriller d'espionnage qu'il voudrait être et trop court pour pouvoir approfondir le drame historique et humain qu'il développe avec ses personnages, fictifs et réels. Un déséquilibre entre fiction et réalité qui se retrouve généralement dans le rythme et la narration, mais aussi visuellement. Christian Schwochow est incapable de faire ressentir ce qui se joue dans les couloirs du Führerbau en l'espace de ces quelques heures.

D'un côté, sa mise en scène plate et la photographie froide de Frank Lamm s'accordent à l'atmosphère grave et menaçante dans laquelle évoluent les personnages ; de l'autre, il veut générer de la nervosité et immerger le spectateur à travers une caméra à l'épaule qui s'emballe inexplicablement et un montage frénétique de Jens Klüber (notamment quand les dialogues impliquent plus de deux personnages).

L'Étau de Munich : photo, Jannis Niewöhner

C'est à moi que tu parles ?

JEUX DANGEREUX

Contrairement à d'autres films du genre, comme Chacal réalisé par Fred Zinnemann, la tension dramatique de L'Étau de Munich est inexistante puisque les accords seront signés et que la Seconde Guerre mondiale tant redoutée finira quand même par éclater.

Le suspense est bien entretenu grâce à différents moyens, comme cet ancien ami de Paul devenu un garde du corps méfiant d'Hitler (incarné par un August Diehl aussi glaçant que dans Inglourious Basterds) et le film peut se reposer sur son impressionnant casting, sa direction artistique soignée et son réalisme poussé (la conférence a été tournée dans le même bâtiment où elle a eu lieu en 1938) pour captiver jusqu'au bout, mais la fin est déjà écrite.

L'Étau de Munich : photo, Jannis Niewöhner

Tu veux jouer aux cartes avec moi ?

Dès que l'action se déplace à Munich et que le jeu de dupes démarre entre Hitler, Chamberlain, Daladier (Stéphane Boucher) et Mussolini (Domenico Fortunato), Hugh et Paul sont oubliés, réduits à l'état de personnages secondaires dont le sort est déjà scellé, alors que l'amitié perdue entre l'Anglais et l'Allemand et leur tentative désespérée d'empêcher la guerre portaient tous les enjeux scénaristiques et émotionnels.

Quand ils ne sont pas des caricatures, les personnages féminins ne font que servir les intérêts du scénario (donc de la Couronne) et au lieu de s'attarder sur la vie de famille de Hugh, le revirement idéologique de Paul ou sa relation avec Helen Winter (Sandra Hüller), le film se concentre sur Adolf Hitler, interprété comme un dérangé par un trop vieux Ulrich Matthes (qui faisait un meilleur Goebbels dans La Chute), mais dresse surtout un portrait révisionniste de Neville Chamberlain.

L'Étau de Munich : photo, Jeremy Irons

La paix contre un petit bout de papier

Comme dans le roman de Robert Harris, le Premier ministre britannique n'est pas présenté comme un lâche qui a sacrifié la Tchécoslovaquie avec sa politique d'apaisement au nom d'une paix temporaire, mais presque comme un martyre qui aurait volontairement joué sa réputation pour prouver qu'Hitler mentait. La brillante interprétation de Jeremy Irons suscite une certaine sympathie pour le personnage, représenté comme un homme dépassé, fatigué, qui se rattache désespérément à ses nobles idéaux pacifistes.

Cependant, alors que les faits historiques ont montré que les accords de Munich n'ont fait que retarder l'inévitable et que cette paix si chèrement négociée n'a même pas duré un an, comme il le rappelle, le film se justifie juste ensuite en expliquant que le geste de Chamberlain aurait permis à la France et au Royaume-Uni de préparer le conflit à venir. Une excuse maladroite lâchée dans un minuscule texte au milieu d'un montage de fin, qui ne fait qu'exposer un peu plus le simplisme, voire la bêtise, avec lequel il a été écrit.

L'Étau de Munich est disponible depuis le 21 janvier sur Netflix

affiche officielle

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